Les chemins de Katmandou de
René BarjavelRené Barjavel fait partie de mes auteurs favoris et quand je suis tombé sur ce roman, j'ai saisi l'occasion.
Nous voici ici plongés dans l'ambiance soixante-huitarde, narrée de plus par un témoin des évènements. C'est avant tout ce point de vue là que je recherchai, comprendre un peu mieux les raisons de cette "révolution", sur le plan social mais aussi économique. Et également découvrir cet idéal qu'était Katmandou, quelle réalité c'était pour les jeunes occidentaux en manque de repères.
Si je retrouve cette verve, ce talent d'écriture qui m'ont marqués, je reste quand même sur ma faim avec notamment des personnages que je n'ai pas réussi à bien cerner.
Un passage que j'ai trouvé remarquable :
"Il la chercha encore toute la journée. Il parcourut Katmandou rue par rue, interrogea tous les hippies, ne reçut de ceux qui le comprenaient que des réponses négatives ou vagues. Malgré sa quête et son angoisse, il devina peu à peu ce qui faisait le climat incomparable de Katmandou, dans lequel il se débattait comme une abeille tombée dans un bol de lait. Il rencontrait des dieux partout, au-dessus des portes, entre les fenêtres, au milieu même des rues, dans les trous creusés dans la chaussée, ou sur les socles plantés en pleine circulation, ou abrités dans les temples à tous les carrefours, assemblés dans les cours, penchés aux fenêtres, soutenant les toits ou juchés dessus, aussi nombreux que les habitants humains de la ville, peut-être plus, et aussi divers, et aussi semblables. Ils ne constituaient pas un simple décor, un peuple des vivants, ils participaient à l'activité de chaque instant. Les hommes, les femmes leur parlaient, les saluaient au passage, leur donnaient deux grains de riz, un pétale de fleur, leur frottaient le front d'un pouce affectueux, les enfants leur grimpaient dessus, les singes et les oiseaux leur prenaient leur riz et leur donnaient leur fiente, les vaches venaient se gratter le ventre contre eux, les moutons tondus s'endormaient à leurs pieds, les corbeaux couleur de cigare se perchaient sur leur tête pour aboyer aux passants leurs compliments ou leurs insultes, les paysans accrochaient leurs bottes d'oignons à leurs mains tendues. Ils vivaient la vie de tous avec tous. Les bêtes, les hommes et les dieux étaient tressés ensemble comme les chevaux, les fleurs et les brins de laine rouge dans les coiffures des femmes, en une seule amitié familière et ininterrompue. Dieu était partout, sous mille visages de chair, de pierre, de poils ou de plumes, et dans les yeux des enfants innombrables groupés par bouquets nus devant les portes des maisons où ils semblaient ne savoir faire autre chose que rire du bonheur d'être vivants.
Dieu était partout, et les "voyageurs" venus le chercher de si loin ne le trouvaient nulle part, parce qu'ils oubliaient de le chercher en eux-mêmes."
Yann
