Tancrède, une uchronie de
Ugo Bellagamba
Comme indiqué dans le titre, il s'agit d'une uchronie, et cette-fois nous partons au temps des croisades. On est ici plus proche du roman historique que de la science-fiction. L'auteur est resté très fidèle à la réalité historique, avec un point de divergence particulièrement intéressant : un des croisés se convertit à l'Islam. Du coup, ça nous permet dans la première partie du livre de se mettre dans la peau des croisés, de vivre de l'intérieur la lutte contre les infidèles, d'évoquer cette foi guerrière qui donnait des ailes mais aussi de comprendre les enjeux de pouvoir et de territoires qui accompagnaient cette guerre sainte.
En suivant ensuite les changements intérieurs que vit le personnage principal, on va progressivement déplacer notre point de vue pour se placer de l'autre côté. Et malgré la tentation facile de juger ces errements moyenâgeux avec notre connaissance du XXIème siècle, l'auteur cherche avant tout à nous dévoiler une culture et une civilisation pour laquelle nous avons une vision trop souvent simpliste et déformée, mais sans tomber dans l'angélisme béat. Un appel à la tolérance mais sans se départir des avertissements sur les dangers du pouvoir.
Au final, c'est une œuvre vraiment remarquable, qui me plaît autant par son côté historique, que par l'imaginaire qu'elle suscite et le message qu'elle délivre.
Extrait :
Je commence à mieux comprendre les Infidèles. Ils ne sont pas du tout tels que je les avais imaginés. Ni barbares, ni pervers. Ni stupides, ni fanatiques. Je crois que la vision du monde que l'on m'a inculquée est erronée. On m'a fait croire que la Terre Sainte était entre les mains de hordes sauvages, dépourvues d'histoire et sans morale. Des tribus éparses de guerriers hirsutes qui se vautrent dans la richesse de cités qu'ils n'ont pas bâties et dilapident l'héritage monumental d'une culture qu'ils ne comprennent pas, au nom d'une foi simpliste et belliqueuse. Je m'aperçois, chemin faisant, qu'il n'en est rien. Nous aurions pu parlementer avec eux, sans doute. Négocier le tombeau du Christ comme des marchands transigent sur le prix des épices. Au lieu de cela, nous nous sommes jetés sur l'Asie Mineure, la croix brandie et la lance baissée. Je réalise, sans toutefois que ma propre piété en soit affectée, qu'il y a plus d'aveuglement et de violence incontrôlée dans les rangs des Croisés que parmi les Infidèles.
Yann
