Notre-Dame du Nil de
Scholastique Mukasonga
Le génocide du Rwanda, vous en avez souvent entendu parler. Les Hutus et les Tutsis, qui se vouent une haine séculaire exacerbée par des années de colonialisme allemand puis belge (pour schématiser, la réalité est beaucoup plus complexe !)
Scholastique Mukasonga, issue dune famille tutsi mais exilée depuis des années, tente de peindre dans ce roman le quotidien des Rwandais dans les années 70 à travers la vie dans un lycée pour jeune filles. Elle tisse des fils qui se tendent au long du récit, pour raconter ce qui germe petit à petit, dans un pays au riche passé mais dont l'avenir s'obscurcit.
Le poids de la religion, de certaines traditions, d'un climat exubérant mais surtout d'un système sournois où la faute des uns se reporte sur le dos des autres.
Une oeuvre remarquable, tant sur le fond que dans le style, sincère et profond.
Un extrait :
La pluie pendant de longs mois, c'est la Souveraine du Rwanda, bien plus que le roi d'autrefois ou le président d'aujourd'hui, la Pluie, c'est celle qu'on attend, qu'on implore, celle qui décidera de la disette ou de l'abondance, qui sera le bon présage d'un mariage fécond, la première pluie au bout de la saison sèche qui fait danser les enfants qui tendent leurs visages vers le ciel pour accueillir les grosses gouttes tant désirées, la pluie impudique qui met à nu, sous leur pagne mouillé, les formes indécises des toutes jeunes filles, la Maîtresse violente, vétilleuse, capricieuse, celle qui crépite sur tous les toits de tôles, ceux cachés sous la bananeraie comme ceux des quartiers bourbeux de la capitale, celle qui a jeté son filet sur le lac, a effacé la démesure des volcans, qui règne sur les immenses forêts du Congo, qui sont les entrailles de l'Afrique, la Pluie, la Pluie sans fin, jusqu'à l'océan qui l'engendre.
Yann
