Le zéro et l'infini [Darkness at noon] d'
Arthur Koestler aux éditions Calmann-Lévy, traduit par Jérôme Jenatton
Encore un livre qui devrait susciter la réaction de notre cher Andrei !
Ce livre, qui date de 1938, est en effet une critique de la dérive totalitariste du communisme en URSS, et notamment le Stalinisme.
L'auteur est hongrois, émigré en France puis en Angleterre (ce livre est d'ailleurs écrit en anglais). Déçu du communisme qu'il a soutenu dans sa jeunesse, il continue dans cette œuvre à en louer la "pureté" des idées qui ont lancées la Révolution, mais s'interroge sur les moyens mis en œuvre pour la sauvegarder :
"Il faut trouver la cause des défaillances du Parti. Tous nos principes étaient
bons, mais nos résultats ont été mauvais. Ce siècle est malade. Nous en avons
diagnostiqué le mal et ses causes avec une précision microscopique, mais
partout où nous avons appliqué le bistouri, une nouvelle pustule est apparue.
Notre volonté était pure et dure, nous aurions dû être aimés du peuple. Mais il
nous déteste. Pourquoi sommes-nous ainsi odieux et détestés ?
Nous vous avons apporté la vérité, et dans notre bouche elle avait l’air d’un
mensonge. Nous vous avons apporté la liberté, et dans nos mains elle
ressemble à un fouet. Nous vous avons apporté la véritable vie, et là où notre
voix s’élève les arbres se dessèchent et l’on entend bruire les feuilles mortes.
Nous vous avons apporté la promesse de l’avenir, mais notre langue bégaie et
glapit…"
"Évidemment, seule la souffrance qui avait un sens était inévitable; c'est-à-dire
celle qui était enracinée dans la fatalité biologique. D'autre part, toute souffrance
d'origine sociale était accidentelle, donc sans rime ni raison. Le seul objet de la
révolution était l'abolition de toute souffrance sans raison. Mais il s'était trouvé
que l'élimination de cette seconde espèce de souffrance n'était possible qu'au
prix d'un immense accroissement temporaire du total de la première. Aussi la
question se posait-elle à présent sous cette forme : une telle opération est-elle
justifiée ? Elle l'était évidemment, si l'on parlait dans l'abstrait de "l'humanité" ;
mais, appliquée à "l'homme" au singulier, au symbole 2-5;1-5 [ndy : JE dans
l'alphabet quadratique], l'être humain réel de chair et d'os, de peau et de sang,
ce principe conduisait à une absurdité. Dans sa jeunesse, il avait cru qu'en
travaillant pour le Parti il trouverait réponse à toutes les questions de ce genre.
Son travail avait duré quarante ans, et dès le commencement il avait oublié la
question qui l'avait poussé à entreprendre cette tâche. Maintenant, quarante
ans s'étaient écoulés, et il revenait à sa première perplexité d'adolescent. Le
Parti avait pris tout ce qu'il avait à donner et ne lui avait jamais donné la
réponse. "
Un livre puissant, qui fait réfléchir sur la place de l'Homme dans la société :
vaut-il zéro car seule l'humanité compte ?
vaut-il l'infini car il est à l'image de Dieu ?
Yann
